vendredi 8 août 2008

Mon père, ce héros
























12:30:00 : Arrivée autour du lac en famille. A son grand étonnement, Papa découvre des installations aquatiques dignes de son époque.

12:35:25 : Papa commence à nous expliquer, à Maman et à moi, que quand il était plus jeune, c'était lui le roi du saut de l'ange, qu'à l'époque y'avait pas de console de jeux et que du coup les gamins étaient de sacrés sportifs !

12:35:30 : Maman lui répond que oui mais qu'il faudrait installer les affaires pour le pique-nique et couper le melon.

12:35:40 : OK dit Papa, n'empêche que personne ne m'arrivait à la cheville !

12:36:20 : Alors que Maman étale la nappe sur la plage, Papa quitte son T-shirt et se dirige vers le plongeoir. Il aurait dans l'idée de nous montrer ses exploits d'antan que cela ne nous étonnerait pas. D'ailleurs Maman n'est pas étonnée et le rappelle à l'ordre car le melon ne va pas se couper tout seul quand même !

12:50:32 : Papa a fini de couper le melon et un bout de son doigt car il était trop occupé à regarder comment se débrouillaient les petits jeunes d'aujourd'hui sur ce genre de plongeoir. Il n'a même pas eu mal pour son doigt mais semblait désespéré par ce qu'était devenu le fameux saut de l'ange, celui qu'il pratiquait autrefois. Il essaya de convaincre Maman de repousser l'heure du repas de quelques minutes afin qu'il montre à tous les estivants présents ce jour-là qui était "Dédé, le roi du carpé".

12:50:33 : Maman lui dit que non, que le melon n'attend pas et qu'après le pique-nique il devra attendre une bonne demi-heure de digestion avant de vouloir s'offrir en spectacle. Ce en quoi Papa répond qu'attendre une demi-heure c'est des foutaises... que si on plonge tout de suite après le baba au rhum on n'a pas eu le temps de digérer et donc que mathématiquement, il ne peut pas y avoir hydrocution.

12:50:34 : Maman lui dit que non... qu'on ne fait pas tout avec les mathématiques et que le petit (elle parle de moi) doit attendre de digérer avant d'aller dans l'eau. On pourra se baigner vers les 14h00 un point c'est tout.

12:50:34 : Papa règle l'alarme de sa montre sur 14h00 pétantes tout en grommelant que mathématiquement c'est quand même des foutaises.

12:54:00 : On commence le pique-nique. Maman a tout prévu... il y a du saucisson et des chips avec le melon !

13:13:25 : Papa mange nerveusement tout en faisant les 100 pas. Bien entendu, il ne s'interdit pas de sortir un commentaire (de spécialiste qu'il dit) à chaque fois qu'un individu s'essaye pendant ce temps à un plongeon. Les critiques sont sévères et vont d'un "nul, c'est nul' à un "si c'est pour se vautrer comme ça dans la baille autant se laisser tomber depuis le bord, un plongeoir ça se respecte !"

13:32:45 : Papa décrète la fin du pique-nique après avoir englouti sa 4ème part de baba au rhum. Il regarde sa montre et dit qu'on est dans les temps. Et le café ? lui demande Maman. Ce en quoi Papa lui répond que le café n'est pas considéré comme du pique-nique... enfin dans le milieu de la natation c'est comme ça.

13:58:00 : Papa ne tient plus... Il se lève, me fait signe de l'accompagner sur la digue... Ca y est la démonstration va avoir lieu.

13:59:00 : Deux, trois petits toussotements afin de se racler la gorge et Papa entame quelques moulinets avec ses bras... ça craque mais ça ne casse pas ! Moi j'écarquille tout grand mes deux yeux... Je sens qu'il va y avoir du spectacle... Il est cependant trop tard pour aller chercher le caméscope.

14:00:00 : Au moment où la montre de Papa se met à sonner... il prend un pas d'élan, retombe lourdement sur le plongeoir et décolle. J'entendrais alors la sonnerie de sa montre durant tout le temps de vol de Papa. Quelle synchronisation !

14:00:03 : Papa est toujours en l'air mais sa vitesse a considérablement réduit... chacun sent bien que tout va s'accélérer. Papa en profite pour pencher la tête. Derrière moi j'entends quelqu'un prendre une photo... je me demande bien ce que cela pourra donner !

14:00:04 : Papa semble surpris par cette perte soudaine de vitesse. Son saut de l'ange, maintes fois répétés dans sa tête, ne semble pas se dérouler comme prévu. Il n'a pas encore fini son saut carpé qu'il semble être attiré à grande vitesse vers la substance aqueuse. Maintenant sa position est des plus périlleuse... son ventre (un brin bombé par le repas de midi encore tout frais quoi qu'on en dise) est passé sous le niveau du reste du corps. Il me semble alors que c'est cette partie qui goûtera la première aux joies apaisante de la fraicheur de ce lac.

14:00:05 : J'apprends à cet instant précis qu'un saut de l'ange bien réalisé s'accompagne d'un grand bruit et d'une énorme vague... Le "splash" émis m'impressionne... Je m'aperçois alors que lorsque je faisais des bombes à la piscine cet hiver je n'étais par loin de cette perfection.

14:00:08 : Papa sort sa tête toute rouge de l'eau. Des milliers de bulles remontent à la surface comme si tous les poissons du lac s'étaient mis à applaudir en même temps. Ici, à l'extérieur tout est redevenu calme. Chacun est retourné à ses occupations. Papa tousse deux-trois fois puis rejoint péniblement la rive.

14:00:25 : Papa remonte sur la digue. A mon grand étonnement, il n'y a pas que sa tête qui est rouge mais son ventre, qui rappelons-le a eu la chance d'être le premier à rentrer en contact avec l'eau, semble avoir pris un sérieux coup de chaud... Papa me regarde fièrement, pose sa main sur mon épaule et d'un large sourire me lance "alors gamin, j't'avais pas dit qu'j'étais le roi du carpé hein ?".

14:01:15 : Depuis la plage Maman jette vaguement un œil dans notre direction et s'écrie : « c'est bon, la demi-heure est passée, vous pouvez y aller mais soyez prudents ! »

14:01:16 : Papa revient doucement mais fièrement vers la plage avec la sensation du devoir accompli. On ne le reverra plus jamais s'approcher de ce plongeoir durant tout le reste des vacances.

Depuis, je suis devenu le roi de la bombe... j'éclabousse à tout-va... et ce grâce à qui ? hein ?... grâce à mon père, ce héros !

Mon père, ce héros - (c) X. D'ABRIGEON

samedi 5 janvier 2008

Celui qui avait perdu sa raison d'être
























Un jour, un banal lampadaire
Comme il en existe des milliers,
Trônait dans un décor si austère,
Que personne ne le remarquait.

Il était là pour éclairer,
Lorsque le temps était bien gris,
Lorsque la nuit était tombée,
Une pauvre route sans vie.

Du haut du pont où il était,
Regardant sans cesse le vide,
Il semblait vouloir se passer
De cette vie morne et livide.

Une seule chose comptait à ses yeux :
Une ampoule, dont il s'occupait.
C'était sa lumière, son ciel bleu,
Sa raison de rester à quai.

Mais vint un jour de mauvais temps
Un de trop dans ce rude hiver ;
Il lâcha prise, certes, pas longtemps...
Mais assez pour perdre sa lumière.

L'ampoule durant sa chute,
Brilla encore un bref instant.
Puis au sol disparut sans lutte,
Au gré des bourrasques de vent.

Vivre seul devint sa hantise !
Il commençait à s'incliner.
Mais quelle ne fut pas sa surprise,
En voyant un homme arriver !

L'homme monta jusqu'à sa cime,
Lui confia une nouvelle amie,
Lui fit oublier sa déprime,
Puis rentra fièrement chez lui.

Le lampadaire repris confiance.
Il comprit qu'on le regardait,
Qu'on comptait sur sa présence,
Et que sur lui, quelqu'un veillait.

Il se remit à serrer fort,
Plus fort que jamais ce trésor.

Et se remit à éclairer,
Lorsque le temps était bien gris,
Lorsque la nuit était tombée,
La belle route qui fut ravie.

Moralité de cette histoire :

Il ne faut jamais oublier
Et encore moins laisser tomber
Ce pour quoi on est destiné.

Car en pleine déchéance,
On a rarement une deuxième chance,
De retrouver sa clairvoyance.

Celui qui avait perdu sa raison d'être - (c) X. D'ABRIGEON

Quelques photos